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"Vieillir, est-ce synonyme de perdre la mémoire ?" L’Observatoire B2V des Mémoires revient sur les idées reçues à déconstruire


Publié le Mardi 17 Décembre 2024 à 12:09

Vieillir signifie-t-il inéluctablement perdre la mémoire ? Toute difficulté à se souvenir est-elle un signe de maladie d’Alzheimer ? Ces idées reçues, profondément ancrées dans nos croyances, alimentent souvent des inquiétudes infondées sur le vieillissement cognitif. Pourtant, la réalité est bien différente. Hélène Amieva, Psychogérontologue, Épidémiologiste et membre de l’Observatoire B2V des Mémoires, nous éclaire sur les évolutions de la mémoire avec l’âge et démêle le vrai du faux pour comprendre comment la mémoire se mue au fil des années et comment la préserver efficacement.


Non, la mémoire de vieillit pas, elle évolue. Contrairement à cette idée reçue, vieillir ne signifie pas perdre sa mémoire de manière inéluctable avec le temps, mais plutôt la voir évoluer, s’adapter aux besoins de chaque âge et continuer de nous accompagner tout au long de notre vie. Et, bonne nouvelle : elle gagne même en richesse sur certains points !
Qui dit mémoire dit forcément cerveau, et ce dernier a son propre rythme. On l’ignore souvent, mais le cerveau atteint sa pleine maturité autour de 25 ans. Avant cet âge, il se construit, s’organise, et une fois ce cap franchi, des changements progressifs commencent à apparaître. Ces transformations diffèrent d’une personne à l’autre et surtout, elles répondent aux besoins variés de chaque étape de la vie, façonnés par nos expériences et nos besoins. À 20 ans, par exemple, le cerveau est dans une phase d'exploration intense : études, premières expériences professionnelles, relations sociales… L'envie d’apprendre est alimentée par la nouveauté constante, et la mémoire se charge de nouvelles informations à un rythme effréné. En vieillissant, les besoins changent. Le besoin d'apprendre devient moins urgent tandis que notre mémoire a accumulé une quantité colossale d'informations au fil des ans : souvenirs, savoirs, expériences. Le véritable défi n’est plus d'apprendre, car cette capacité reste intacte tout au long de la vie, quel que soit l'âge, mais plutôt notre capacité à retrouver efficacement une information précise dans ce « réservoir » d’informations. C’est un défi : trier, accéder rapidement à ce dont on a besoin demande parfois un peu plus de temps… ou un coup de pouce.

Alzheimer : une maladie, pas un destin

La maladie d’Alzheimer, souvent confondue avec un vieillissement naturel de la mémoire, n’est ni une fatalité ni une conséquence inévitable. En réalité, il s’agit d’une maladie multifactorielle dont les facteurs de risque peuvent être d’origine génétique, métabolique, psychosociale ou liés au habitudes de vie. L’âge, quant à lui, est un facteur de risque majeur – le nombre de cas augmente fortement après 85 ans – mais il ne suffit pas à expliquer son apparition. Vieillir ne signifie pas nécessairement développer la maladie d'Alzheimer.

Et l’oubli ? Est-ce toujours mauvais signe ?

Pas de panique. Avec l'âge, l'oubli devient un phénomène courant, mais il est important de comprendre que c’est un mécanisme normal, et même indispensable qui fait partie intégrante du fonctionnement de la mémoire. Il permet de faire de la place, comme on trie des photos pour ne garder que les plus précieuses. Contrairement à un ordinateur, notre mémoire ne stocke pas tout indifféremment, et c’est ce qui la rend si performante et humaine. Vieillir, c’est donc avoir une mémoire qui se transforme et s’enrichit, plutôt qu’une mémoire qui s’éteint.

Il existe différents types d’oubli :
  • Le premier est l'oubli temporaire, il s'agit d’une information que l'on sait avoir, mais qui est momentanément inaccessible. Cette difficulté à la retrouver n’est pas un véritable oubli, car il suffit souvent d'un peu de discussion, d’un indice, pour que cette information ressurgisse.
  • Le second type d'oubli, plus préoccupant, est celui où l'on a l'impression qu’une information est complètement effacée de notre mémoire, comme si nous ne l’avions jamais vécue. Bien que ce type d'oubli soit normal de temps à autre, si cela se répète fréquemment, cela peut être le signe d'un problème plus sérieux, comme un trouble neurocognitif.

Toutes les capacités mnésiques ne se dégradent pas avec l’âge

Certaines de nos capacités mnésiques résistent remarquablement bien au passage du temps et continuent même de se renforcer. C’est le cas de plusieurs types de mémoire qui, loin de se dégrader, s’enrichissent au fil des années.
 
  • Par exemple la mémoire épisodique, celle des souvenirs personnels. Bien qu’on puisse avoir plus de mal à se souvenir de certains détails avec l’âge, les souvenirs de longue date restent souvent bien ancrés.
  • Ensuite, la mémoire procédurale, celle des gestes, demeure intacte. Qu’il s’agisse de chanter, de jouer d’un instrument ou de cuisiner, ces compétences se solidifient avec l’expérience et sont moins affectées par le vieillissement.
  • Enfin, la mémoire sémantique, celle des connaissances générales, devient véritablement un atout au fil des années. Des études montrent que les personnes de 65 ans et plus surpassent souvent les plus jeunes lors de tests, car elles ont accumulé et consolidé un grand nombre de connaissances tout au long de leur vie.

Non, l’âge ne détermine pas à lui seul la santé de notre mémoire

Il n’existe pas de modèle unique de vieillissement de la mémoire. Chaque individu suit une trajectoire unique, influencée par une multitude de facteurs : ses habitudes de vie, ses activités de loisir, son environnement social, et bien sûr son patrimoine génétique. L’âge n’est donc qu’un des éléments parmi d’autres.
 
Il est possible d’agir à chaque étape de sa vie pour préserver sa mémoire et réduire les risques de déclin cognitif :
 
  • En adoptant une hygiène de vie saine, en limitant le tabac et l’alcool, et en surveillant des paramètres de santé comme le cholestérol, le diabète ou l’hypertension, on crée un environnement propice au bien-être cérébral.
  • L'activité physique régulière est également un facteur protecteur important. Elle enrichit la réserve cérébrale et stimule la plasticité du cerveau, ce qui est essentiel pour maintenir les capacités cognitives.
  • Un facteur clé dans le maintien de la mémoire tout au long de la vie est la qualité des interactions sociales. Engager des conversations, échanger des idées, et partager des activités avec les autres sont autant d’exercices cognitifs très stimulants. Ces échanges renforcent notre capacité à élaborer une idée, à argumenter, et à nous adapter aux réactions de l’autre, stimulant ainsi les fonctions cognitives. À l'inverse, l'isolement social, entraine un manque de stimulation, favorise la rumination et peut limiter la plasticité du cerveau, ralentissant son fonctionnement et sa capacité à se maintenir en forme.
 
Préserver sa mémoire est un travail de toute une vie.

Le Village Alzheimer vers un modèle reproductible

Certains dispositifs innovants, comme Le Village Alzheimer des Landes, unique en France, mise sur l’importance des liens sociaux et de la participation à des activités pour ralentir l’évolution de la maladie chez ses résidents. L’équipe de recherche, dirigée par la Professeure Hélène Amieva, se concentre sur la prévention d’un déclin cognitif rapide. En intégrant des éléments comme une architecture adaptée, des interactions sociales variées et régulières et un environnement stimulant, le village crée un cadre de vie actif et humain. Des études multidimensionnelles sont menées pour analyser la qualité de vie des résidents, la perception de la maladie, ainsi que l'efficacité du modèle socio-économique.

Les premiers résultats sont prometteurs : peu ou pas de déclin cognitif, une qualité de vie préservée et une réduction des troubles du comportement. Ces recherches visent à démontrer la viabilité et la reproductibilité du modèle, avec des implications potentielles à l’échelle nationale et internationale.



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